INTERVIEW : Galerie photographique virtuelle

par Justine Saintyves‬ & Rémy Pillon

Quand et comment la photographie est-elle devenue une passion ?

L’appareil photographique à toujours été présent dans la famille par le biais de mon père qui a beaucoup fait d’images photographiques, diapos ou film super 8, il s’avère également que mon grand-père paternel avait aussi cette fibre, peut-être il y a une forme de transmission… Quoi qu’il en soit je crois que cela vient assez subtilement s’insérer dans notre vie. Dans un premier temps il y a eu des allers-retours avec l’argentique. Depuis l’enfance j’ai eu une grande passion pour l’art donc m’a fallu du temps pour appréhender le médium qui me correspondait le mieux, il y a tellement de formes d’écritures du monde : dessin, peinture, sculpture, gravure ou écriture, chacune avec son panel de subtilité et de finesse. Mais je crois que ma frénésie photographique s’est installée avec l’argentique dans mes premières années à l’université ; puis cette exploration a continué avec un moyen format argentique prenant toujours plus d’ampleur jusqu’à aujourd’hui, d’ailleurs j’utilise avec beaucoup de plaisir mon boitier rollflex. Une manière de rendre compte du monde avec la temporalité de l’instant ça fait réfléchir.

 

 

Comment viennent vos idées de photos ? Quelles sont vos influences ?

En tant qu’auteur, mes textes s’articulent autour d’une dimension émotionnelle, un mouvement de pensées douces-amères sur nous et notre relation à l’autre. Dans mes photographies de manière récurrente, j’interroge ce qui dans le paysage est à priori invisible. Il y a toujours une zone qui n’est pas donnée dans un premier regard, un espace où s’inscrit les possibles, un point de basculement, un dialogue contemplatif à la manière des romantiques allemands.

 

Terra Incognita - Sabrina Ambre Biller
Terra Incognita - Sabrina Ambre Biller

Quel est le lien entre les différents clichés composant votre série « Terra Incognita » ?

Cette série est composée essentiellement de paysages et d’éléments (plante, arbres, roche..;) dont l’ensemble ont été pris en France au détour de pérégrinations sur les terres d’Auvergne, de Bretagne, de la Petite Camargue, des Cévennes, de la Gironde, Landes, du Languedoc, du Larzac, Lozère, des Pyrénées Catalanes, … Celle-ci fait partie du livre du même nom paru en novembre 2017 aux éditions les Presses Littéraires et sont accompagnés des textes de Lior Nadjar.

 

Ce qui m’interpelle dans la nature c’est qu’il a toujours une zone qui n’est pas donnée dans un premier coup d’oeil, un espace où s’inscrit les possibles, un point de basculement. Terra Incognita est en lien direct avec sa traduction latine – terre inconnue -. La dimension historique liée à la découverte, à l’exploration des grands espaces. La cartographie me semblais pertinente dans cette manière d’aborder le choix de ces différentes photographies. Même si l’on considère qu’il n’y a presque plus de Terra Incognita hormis les espaces souterrains et certains grands fonds marins . C’est dans sa dimension symbolique que l’on peut saisir son essence ; notre manière de voir est assujettie à une disposition à la fois physique et mentale qui conditionne notre lecture et notre interprétation de notre environnement. Il est donc possible de changer de perception en considérant intérieurement que le regard porté sur le monde est une Terra Incognita – terre inconnue. Où se trouve finalement cette frontière, cette limite qui nous sépare de l’extérieur ?

 

Est-il important de transmettre un message à travers vos photographies ?

Le fait de capter au travers de la photographie est un témoignage sensible, loin d’un monde figé, c’est d’essayer d’amener à percevoir l’invisible pour le révéler à nos yeux, vivifier ainsi notre perception. Poétiser, c’est le pouvoir qu’a tout créateur d’agir «sur » et «dans » le monde, en modifiant notre système de représentation et avec lui notre univers sensible. À travers une démarche «contemplative» de la nature, c’est le questionnement de la place de l’homme dans l’environnement qui est omniprésent… La beauté du monde est partout, cachée dans les moindres détails. On oublie souvent d’y prêter attention pourtant tout est là, il suffit de s’arrêter pour l’observer, alors on voit la subtilité qui s’offre à nous, la complexité et la simplicité.La série «Ancêtres» soulève des questions existentielles tout comme dans la série «Terra Incognita» de manière plus distancié sur notre place dans la nature, ce questionnement est une constance dans la plupart de mes séries.

 

Ancêtres - Sabrina Ambre Biller
Ancêtres - Sabrina Ambre Biller

Comment gérez-vous la lumière lors des prises de vues extérieures ?

Les atmosphères sont importantes, je joue volontiers avec la lumière, la pluie, le brouillard, les lumières rasantes ou poudreuses… constamment je cherche à sublimer la nature. J’en suis pleinement tributaire, cela demande de s’adapter, mes prises de vues sont généralement des prélèvements alors j’accepte le jeu, des surprises climatiques. 

Si vous deviez faire une auto-critique de votre travail, que diriez-vous ?

Pour faire simple tout en étant honnête, je dirais juste : continue. Il est difficile d’accepter de montrer son travail et de se mettre à nue, après il y a pleins de petites choses qui me titillent mais cela s’affinera avec le trio temps/pratique/patience.

 

Quel matériel utilisez-vous (photo/logiciel) ?

J’utilise principalement un reflex Canon avec différentes optique allant du 16 au 300mm que j’utilise suivant l’envie, le lieu et/ou le poids. Lightroom pour le dérawtiser et Photoshop pour la post-production c’est la phase de mise en valeur de la photographie que j’avais dans la tête quand j’étais derrière mon objectif.

Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner aux personnes qui souhaitent se lancer dans la photographie ?

Du travail, de la passion et de la patience.

Auriez-vous une astuce à nous partager ?

Aiguiser son œil à la beauté, à la lumière, au vivant et laisser aussi filer des photographies, être vigilant afin de nettoyer son œil de tout ce qui nous parasite et laisser le plaisir prendre racine.

Votre « rêve photographique » ?

Continuer à faire, rester émerveillée et inspirée par le monde qui m’entoure ! D’être plus proche et au plus juste de ce qui me traverse, de le vivre aussi intensément à chaque fois et de pouvoir le partager.
Cette photographie est finalement pour moi la définition de notre altérité et notre identité commune. J’étais sur les terres de mon enfance, j’ai pénétré dans cette forêt au détour d’un chemin de moyenne montagne; ces troncs, ces lieux où ces souvenirs refaisaient surface laissant place à une certaine nostalgie, puis là juste en prenant le temps de prendre ainsi en photographie chaque tronc en portrait une certaine quiétude à pris place, comme une façon de prendre et de rendre hommage à mes aïeux.
Ancêtres - Sabrina Ambre Biller
Share This